Stocker l’hiver pour arroser en été : une question de bon sens !
Les agriculteurs sont en première ligne face aux caprices du climat et ils observent que les précipitations sont de moins en moins bien réparties tout au long de l’année, faisant place à des phénomènes climatiques de plus en plus marqués. En hiver, l’eau est trop abondante, provoque des inondations et se déverse dans la mer, tandis qu’en été, elle manque cruellement et les rivières sont à sec. Or, les agriculteurs en ont justement besoin pendant les mois durant lesquels il pleut le moins.
Afin de pouvoir l’utiliser au bon moment, ils ont expérimenté de nombreuses solutions dont le stockage de l’eau, une pratique courante chez les Romains comme chez les Andalous du temps de l’empire ottoman où il convenait déjà d’affronter les irrégularités du climat . D’après le GIEC et le CGAAER (1), l’eau est abondante en France et son stockage y est sous-développé, comparé à celui d’autres pays tels que l’Espagne ou le Maroc. Le stockage de cette eau prend la forme de lacs collinaires ou de retenues d’eau. Ces retenues ne se remplissent que lorsque l’eau ne s’infiltre plus et ruisselle sur les champs saturés.
« Le changement climatique c’est des pluies plus aléatoires avec des abats d’eau pendant un moment, des périodes plus longues où il fait plus chaud et où les végétaux ont davantage besoin d’eau. Donc durant ces périodes-là, il faut irriguer », explique Jean-François Berthoumieu, directeur de l’ACMG (Association Climatologique de la Moyenne Garonne).
L’irrigation est vitale pour l’agriculture
Il n’y a pas d’agriculture sans eau, et ce, quelle que soit la plante cultivée (protéines végétales, céréales, cultures maraîchères, vergers, etc.), quel que soit le mode de production (conventionnel comme bio). Or, les agriculteurs subissent tous les étés des sécheresses chroniques qui anéantissent leurs cultures. Plus qu’un moyen d’améliorer les rendements, l’irrigation devient aujourd’hui indispensable ne serait-ce que pour éviter de perdre l’ensemble de la récolte.
Irriguer est ainsi la meilleure assurance récolte et contribue directement au maintien d’exploitations familiales à taille humaine. Avoir un apport suffisant en eau permet des rendements en quantité et en qualité, régulation qui profite aux consommateurs en évitant les hausses de prix lors des pénuries dues aux dérégulations climatiques. De plus la maîtrise de l’apport de l’eau sur les cultures c’est l’assurance de plantes en bon état de croissance avec un bon emploi des fertilisants et une bonne efficacité des produits de traitement.
De plus, l’irrigation a fait de grands progrès et les techniques comme le goutte à goutte, sont de plus en plus économes en eau. Elle est aujourd’hui pilotée grâce à des sondes qui mesurent précisément la quantité d’eau dans les sols pour faire économiser cette eau. Cependant, pour faire des économies d’eau, encore faut-il en avoir !
Les retenues d’eau ne servent pas qu’à irriguer mais jouent un rôle écologique
Stocker l’eau permet une meilleure gestion des risques et des aléas climatiques. En effet, la totalité de l’eau stockée ne sert pas à l’agriculture, une grand partie est relâchée en soutien d’étiage pendant la période estivale. Les retenues permettent donc à la rivière en aval de fonctionner en été alors qu’elle est à sec, et d’amortir les effets des inondations en hiver. Pourquoi donc les opposants au stockage de l’eau prétendent-ils qu’il assèche les nappes phréatiques, alors que c’est au contraire l’artificialisation des sols des villes qui renvoie directement l’eau de pluie à la mer ?
De plus, l’eau stockée dans les lacs collinaires joue un rôle de climatiseur local. Cela crée en effet de l’évaporation, comme la transpiration des forêts, et cette évaporation participe à la création de nuages porteurs de pluie. Cela a pour effet de baisser la température pendant les canicules d’été en créant des îlots de fraîcheur. Une campagne verte est donc capable de réduire la température de l’air qui arrive sur une ville.
« Il est évident qu’un verger irrigué en plein été, monte à 32/33°C maximum, alors que ce même sol en plein soleil sans culture va monter à 45°C ou davantage », précise Jean-François Berthoumieu, directeur de l’ACMG (Association Climatologique de la Moyenne Garonne).
Enfin, l’irrigation, en abreuvant des cultures qui elles-mêmes consomment du CO2, permet d’éviter que les sols ne soient à nu et dégagent tout le carbone qu’ils stockent dans la terre. De même, en valorisant différents espaces, comme les prairies naturelles, les cultures ou les haies, qui sont des puits de carbone, l’agriculture qui maîtrise les moyens d’irriguer a un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique comme sur le maintien de la biodiversité. Le maintien de la diversité de ces milieux agricoles permet la préservation et la survie d’un nombre élevé d’espèces végétales et animales qui trouvent ainsi les conditions favorables à leur développement et favorisent également le déplacement des espèces.
(1) Rapport du Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux sur les « contributions possibles de l’agriculture et de la forêt à la lutte contre le changement climatique » (22 septembre 2014), page 70